La méditation a fait, depuis quelques années, son entrée dans les hôpitaux, les prisons comme les écoles, les universités et a même fait son entrée dans les entreprises. La méditation vient en fait de sources diverses, en particulier des moines du nord de la Thaïlande, des dojos Zen du Japon ou encore des universités monastiques du Tibet. Ces approches ont toutes leur singularité et unité. Elles ont aussi une base commune : la méditation y est l’union de l’attention et de la vigilance discriminante.
De nombreux facteurs sociaux expliquent le besoin de méditer: la crise et sa cohorte de maux de l'âme et du corps, le consumérisme, l'hyperconnectivité, qui réduit la fréquence des contacts humains...
L'essor de la sophrologie et du yoga en Occident a préparé le terrain. Mais la méditation présente un avantage sur ces autres techniques: elle ne coûte rien, peut s'apprendre seul, et se pratiquer presque n'importe où. N'importe comment aussi, si l'on ne puise pas aux bonnes sources et si l'on ne respecte pas ses deux préceptes de base qui sont la régularité et la persévérance.
Le véritable envol de la méditation à l'ère moderne remonte aux années 1970, lorsque le psychiatre américain Jon Kabat-Zinn a l'idée géniale de passer au crible des neurosciences les techniques de respiration et de concentration des moines tibétains. Derrière les murs de la clinique de réduction du stress qu'il dirige à l'Université du Massachusetts, il concocte une méthode axée autour de la méditation: la Mindfulness Based Stress Reduction(MBSR), réduction du stress fondée sur la pleine conscience.
Chemin faisant, il remplace le mot "méditation" par "pleine conscience", gommant par cette astuce sémantique l'encombrant folklore bouddhiste. S'ensuit une avalanche d'études scientifiques prouvant l'intérêt de la méditation dans la réduction de l'anxiété, des douleurs chroniques...
Le mouvement s'étend ensuite en Angleterre, où Mark Williams, éminent professeur de psychiatrie à Oxford, modélise une méthode adaptée aux personnes souffrant de dépression sévère, la Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT, thérapie cognitive fondée sur la pleine conscience).
A Paris, le psychiatre Christophe André l'applique depuis dix ans à l'hôpital Sainte-Anne. Pour cet adepte enthousiaste, cette approche révolutionne le traitement de la dépression : "D'après mon expérience, la MBCT donne de meilleurs résultats que les traitements antidépresseurs classiques. La pleine conscience stabilise durablement les humeurs et permet aux patients de reprendre leur mieux-être en main, sans médicaments ni effets secondaires." Des constats validés par l'imagerie médicale. Des chercheurs californiens ont même montré récemment que, associée à de la gym douce et à un régime végétarien, la pratique quotidienne de la méditation rallongeait les télomères, sortes de capuchons de nos chromosomes dont la longueur serait associée à celle de la vie.
Plusieurs voies, plusieurs pratiques:
La pleine conscience ou mindfulness: terme traduit littéralement par "attention". Celle-ci est focalisée sur ce que l'on ressent, ce que l'on fait, ou sur quelque chose au long terme; elle se pratique assis, debout ou en marchant.
Le zazen: méditation bouddhiste, effectuée dans des dojos en position assise ou en marchant, vêtu d'un kimono. Elle consiste à ressentir l'"ici et maintenant" en laissant filerles idées sans les retenir.
La méditation d'inspiration tibétaine: elle s'appuie sur des images symboliques (la flamme d'une bougie, une fleur, les figures des mandalas) qui aident à focaliser l'attention. Dans toutes ces formes de méditation, l'observation de sa respiration est un point d'ancrage qui permet de calmer le tumulte des pensées.
Cette discipline mentale, qui développe la concentration et apaise les conflits, progresse aussi dans les couloirs des entreprises. Plus étonnant: depuis 2008, les marines de l'armée américaine s'entraînent autant au maniement de leur mental qu'à celui des armes. Elizabeth Stanley, ancien agent des services secrets traumatisée à son retour de Bosnie et d'Irak, développe des programmes auprès des GI. Et au pays de Descartes? De cette déferlante, on perçoit surtout l'écume.
Alors que les ministères de la Santé américain et britannique reconnaissent officiellement les mérites de la pleine conscience, la plupart de nos institutions l'ignorent encore. La thérapie cognitive fondée sur cette pratique est appliquée dans quelques services hospitaliers, mais de manière quasi officieuse.
Le premier programme appliqué aux personnes souffrant de cancer sera proposé à un petit groupe de patientes de l'institut Gustave-Roussy, en octobre prochain. L'initiative du diplôme pionnier Médecine, méditation et neuro -sciences de l'université de Strasbourg, en 2012, revient à un médecin rhumatologue, Jean-Gérard Bloch. Mais- signe d'un véritable engouement- on se bouscule pour participer au fameux stage de MBSR de huit semaines et les postulants à la formation d'instructeur sont à présent triés sur le volet....
Un neuroscientifique explique comment la méditation modifie votre cerveau
La méditation modifierait le comportement. C’est en tout cas sur ce thème que portent les recherches de Matthieu Ricard et d’autres de ses confrères du Mind and Life Institute.
La méditation aurait des effets positifs sur le cerveau.
"Le bouddhisme ne fait pas de prosélytisme", commente Matthieu Ricard.
"Mais si la science confirme que l’entraînement de l’esprit permet de cultiver les qualités humaines fondamentales et que des interventions comme les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience (MBCT) permettent de réduire les troubles mentaux et augmenter les comportements pro-sociaux, cela permet d’offrir, de façon purement séculière, une contribution valable à la société.
Rien qu’en 2011, plus de 350 articles scientifiques ont fait état du fait que la 'réduction du stress par la pleine conscience' (MBSR) non seulement réduisait le stress mais avait des nombreux avantages cliniques".
« Bien que l’on associe la pratique de la méditation à un sentiment de sérénité et de relaxation physique, les pratiquants ont longtemps prétendu que la méditation offrait également des avantages sur le plan psychologique et cognitif qui durent tout au long de la journée. »Afin de tester cette idée, les neuroscientifiques ont mis 16 personnes à l’épreuve dans une thérapie basée sur la conscience pour réduire le stress. La promesse du cours était d’améliorer l’attention et le bien-être des participants en réduisant leur niveau de stress. Tout le monde avait reçu des enregistrements sonores contenant 45 minutes d’exercices guidés sur la façon d’intégrer la méditation grâce à la visualisation du corps, au yoga et à la méditation assise.
Et pour faciliter l’intégration au quotidien des programmes comme la méditation de l’attention, ils ont également appris à pratiquer informellement la méditation axée sur la pleine conscience dans des activités quotidiennes comme la cuisine, la marche, la vaisselle, la douche et ainsi de suite. En moyenne, les participants du groupe de méditation ont passé 27 minutes par jour à pratiquer une certaine forme de pleine conscience.
Les examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau de chaque participant ont été effectués avant et après le stage de méditation ainsi que sur un autre groupe de personnes qui n’ont pas eu d’entrainement à la pleine conscience. A l’issue de la formation des programmes de méditation, les participants ont eu une amélioration significative ancrée dans l’attention telle que « l’action en conscience» et «la capacité à ne pas juger »
C’était surprenant car l’IRM a révélé que le groupe qui avait fait la thérapie basée sur la pleine conscience avait une augmentation de concentration de matière grise dans l’hippocampe gauche, le cortex cingulaire antérieur, l’articulation temporo-mandibulaire et le cervelet. Les régions du cerveau étaient impliquées dans l’apprentissage, la mémoire, la régulation des émotions, la conscience de soi et la perception des autres!
Britta Hölzel, l’auteur principal de l’étude déclare :
« Il est fascinant de voir la plasticité du cerveau et qu’en pratiquant la méditation nous pouvons jouer un rôle actif dans la modification du cerveau en augmentant potentiellement notre bien-être et notre qualité de vie. »
Sarah Lazar a également noté que : «Cette étude prouve que les changements dans la structure du cerveau peuvent expliquer une partie de ces améliorations évaluées et que ce n’est pas simplement en se détendant que l’on se sent forcément mieux. »